Sarkozy avait prévu de mener sa campagne sur le thème suivant : la crise est terrible. Voyez nos voisins grecs, irlandais, espagnols, italiens, portugais. En France, grâce à moi, les français sont protégés.
Et le Président de multiplier les sommets avec Angela Merkel pour nous montrer qu’il tenait la barre. L’Allemagne et la France arboraient leurs triples A en maîtres incontestés de l’Europe.
Patatras ! La décision de l’agence Standard & Poor’s de dégrader la note de la France, tandis que l’Allemagne conserve la sienne, vient de bousculer le scénario de l’Elysée. D’où cette volonté de Sarkozy et des siens de minimiser l’évènement après avoir présenté, pendant des semaines, le fameux triple A comme gage de notre bonne santé.
Dans son rapport, l’agence américaine précise, en outre, qu’il existe « au moins une chance sur trois que la note française soit de nouveau abaissée en 2012 ou en 2013 ». L’emploi du mot « chance » donne la mesure de tout le cynisme dont sont capables ces agents des marchés financiers.
A quelles conséquences faut-il donc s’attendre ?
La France doit emprunter à moyen et long terme 178 milliards d’€. L’an dernier, elle avait obtenu 184 milliards d’€ à 2,59% d’intérêts, un taux inférieur à la moyenne observée avant l’éclatement de la crise financière de 1998 et 2007 (4,15%).
Si l’on en croit les chiffres de la commission des finances du Sénat, un choc de 1% sur l’ensemble des taux à compter de 2012 entraînerait une augmentation de la charge de la dette de près de 2 milliards d’€ en 2012 pour l’Etat. Et si ce choc devait perdurer, celle-ci s’envolerait au fur et à mesure du renouvellement du stock de la dette pour atteindre 8,6 milliards d’€ en 2016 et 14 milliards d’€ en 2021. De quoi remettre largement en cause le retour à l’équilibre des finances publiques promis par Sarkozy en 2016 et par François Hollande en 2017.
Mais les conséquences sont en chaîne : les grandes entreprises au capital respectif duquel participe l’Etat, tel EDF ou ADP, risquent d’avoir des problèmes de financement dès lors qu’elles bénéficient de la garantie de l’Etat.
Il en est de même des collectivités locales dont une grande partie du budget provient de l’Etat et qui sont en situation de subir la même dégradation et de rencontrer des difficultés à financer leurs projets, sauf à accepter des taux usuraires.
Le fonds européen de solidarité financière (FESF) européen n’est pas mieux loti, puisqu’il est censé emprunter avec la garantie des Etats pour prêter ensuite à ceux en difficulté. Ces principaux garants sont l’Allemagne et la France dégradée avec donc le risque d’un surenchérissement du crédit.
Ajoutons que 9 pays de la zone euro ont été dégradés. Or les pays de cette zone ont besoin de 800 milliards cette année, dont 230 milliards rien qu’au premier trimestre.
Tous pourraient se retrouver face à un manque de liquidités et/ou à un endettement accru, car la crise nourrit la crise tant que nous ne sortirons pas de ce cercle financier vicieux.
Le plus extraordinaire, dans cette spirale infernale, c’est que la Banque centrale européenne (BCE) vient de prêter 489 milliards d’€ à 523 banques au taux de 1% sur trois ans. Les banques vont prêter aux Etats, aux collectivités, aux entreprises, aux particuliers à des taux largement multipliés pour faire du chiffre, et ce d’autant plus que, sur les marchés, là où elles-mêmes empruntent par ailleurs, le coût de l’argent va flamber car l’agence Standard & Poor’s dégrade aussi la note des banques, comme c’est déjà le cas pour la Société générale et le Crédit agricole.
Il n’existe d’issue que si nous nous déconnectons des marchés, si nous acquérons la maîtrise publique de l’argent, si nous engageons une bataille pour obtenir que la BCE et les banques centrales nationales prêtent directement aux Etats aux taux qu’elles pratiquent avec les banques.
Mais j’entends peu de voix pour l’exiger. Telle est pourtant la condition pour recouvrer notre souveraineté et notre le droit à décider de notre sort.